Ne me parlez plus de bougies ou de chandelles
Depuis plusieurs années, à la maison, nous sommes engagés dans une démarche zéro déchet. Nous consommons moins (mais mieux), et faisons plus (et bon). Notre démarche questionne, et rebute ceux qui ne sont pas encore prêts à profondément modifier leur façon de vivre et de consommer. Ce qui se traduit souvent par… “Oui enfin on ne va pas revenir au temps de la bougie et du lavoir non plus !”
Oui, pour beaucoup, l’écologie est une histoire de retour en arrière. Après tout, c’est bien l’axe de communication qui est utilisé par les marques de produits ménagers simples et sains (bicarbonate, savon de Marseille… quand vous nous tenez !) : “à l’ancienne”, “recettes de grand-mère” et images en noir et blanc (ou mieux, sepia !) sont de rigueur. Remarquez que les grands-pères sont, eux, rarement évoqués…
Point de chandelle chez nous !
Oui nous sommes écolos, oui nous nous projetons un jour à la campagne, avec un potager et des poules. Oui, comme nos arrières-grands-parents… mais non, nous ne sommes pas nostalgiques des années 50 !
Vous ne nous enlèverez pas : notre machine à laver, nos ordinateurs, notre box fibre, notre robot de cuisine, notre aspirateur, les progrès considérables sur l’isolation, le chauffage et l’aération, nos téléphones (mais peut-être nos trop-smart-phones). Par contre, certains de ces éléments, chez nous, ont plus de 20 ans (voire 30). Depuis, certes les pratiques ont évolué, mais point de progrès selon nous. Pire même, à certains niveaux : une régression.
C’est que pour maintenir les niveaux de consommation (voire, mieux, continuer de les augmenter !), il a bien fallu continuer à produire chaque année de nouveaux produits. Et s’il n’y avait plus rien à améliorer, on a dû trouver des relais : marketing, obsolescence, discours hygiéniste, gain de temps, électronique et “connexion”… Les relais varient selon les secteurs.
À mes grands-parents, on a vendu du progrès. Eux connaissaient la valeur du produit acheté. Moi ? Pendant longtemps, je n’en avais aucune idée (Ah ce jour où j’ai découvert qu’on pouvait faire sa mayo soi-même, et que c’était meilleur !). Il faut dire, pour le bien du sacro-saint PIB, il est bien arrangeant que l’on ne se pose pas trop de questions… Mais ce temps est révolu ! Pour nous du moins.
Voici les choix que nous avons faits, et comment nous voyons le “progrès”, et son degré optimal, dans chacun des secteurs qui nous touchent quotidiennement…
Des progrès qui varient selon les domaines
Le progrès en électroménager
Il y a eu pour moi deux évolutions fondamentales dans le secteur de l’électroménager, une troisième débarquant aujourd’hui : l’électrification et l’industrialisation de l’objet d’abord, plus récemment l’ajout d’une bonne dose d’électronique et sa complexification, et actuellement la connexion Internet de l’objet via une appli.
Certes, toutes les “machines” (machine à laver le linge, machine à laver la vaisselle, machine à écouter la musique, machine à mixer la nourriture, machine à café, machine à faire bouillir l’eau, à faire griller le pain…) n’ont pas vécu ces mêmes évolutions. Pour certaines, on pourrait se demander à quoi pourrait donc servir l’ajout d’électronique, et la connectivité. Et pourtant…
Pour moi, l’ajout d’électronique complexe est une amélioration de confort qui ne vient pas du tout compenser la baisse de la réparabilité et l’augmentation de l’obsolescence que cela représente. Car plus l’électronique est complexe, moins elle est réparable, et plus elle est verrouillable par le constructeur. Sans compter que cela augmente les chances que vous vous retrouviez totalement à l’arrêt en cas de panne d’un composant (comme l’écran tactile par exemple… alors que quand ce sont des boutons, si l’un déconne cela n’empêche pas les autres de fonctionner).
Vous ne trouverez donc pas chez nous de machines à écran tactile, ni d’électroménager connecté. Notre machine à coudre a 30 ans, nos fours, frigo, plaques une dizaine d’années, notre machine à café 20 ans. Nous avons franchi le pas de l’électronique pour la bouilloire car je voulais pouvoir chauffer mon eau à des températures différentes selon la couleur du thé ou de la tisane. Mais c’est tout (et je l’ai achetée d’occasion !).
Côté électroménager, machines donc, achat rime avec seconde main. Poser la question du meilleur modèle revient à poser celle de la durabilité et répérabilité de l’objet (merci HOP et la mise en ligne de produitsdurables.fr, pour naviguer parmi les fabricants). Et pour l’obtenir, nous sommes prêts à attendre la bonne occasion pour s’en saisir sur nos sites préférés de revente.
Le progrès en hygiène
Par hygiène j’entends celle du corps, des vêtements et de la maison. Tout ce qui est nettoyage, quoi !
Alors oui, il y a quelques dizaines d’années, l’amélioration de l’hygiène a permis des améliorations considérables en termes de santé, que je ne nierai pas. Mais bien sûr, l’industrie ne pouvait pas s’arrêter là. Alors pour vous faire consommer toujours plus de produits d’hygiène, on joue depuis des années sur vos peurs et vos phobies (celle de la saleté, du germe avec un grand G), au point d’en devenir totalement contre-productifs. À écouter les vendeurs de shampooing, produits WC, lessives ou autre, vous, vos vêtements et votre intérieur ne seraient jamais assez propres. Et le fait est qu’à tout nettoyer dans tous les sens, vous dégradez votre peau et la protection naturelle qu’elle représente, et vos poumons, et le filtre incroyable qu’ils sont (sans compter que vous y passez un temps, une énergie et un argent considérables). De quoi alimenter le secteur de la santé ? Attention je suis à une marche du complotisme !
Pour que vous consommiez toujours plus de ces produits on a inventé des normes sociales qui du point de vue biologique n’ont aucun sens (et là je vais peut-être en choquer certains qui se les sont totalement appropriées) : douche quotidienne, voire deux fois par jour, avec gel douche ou savon (par pitié, privilégiez au moins le savon), shampooing tous les deux jours (pas le choix de toute façon avec les shampooings industriels), vêtements lavés à chaque lavage du corps, intérieur récuré aux produits chimiques, pschitts d’air intérieur en lieu et place de l’ouverture de fenêtre…
La germophobie n’a pas de limite. Chaque pub vous vante de détruire “99,9% des germes” (et bonjour le business du gel hydroalcoolique). Mais saviez-vous que vous êtes intégralement recouverts de germes et que c’est ça qui est sain et normal ? Le corps vit en harmonie avec son écosystème, celui-ci comprenant toute une dose de germes aux effets positifs pour votre peau, votre organisme. Or chacun de ces produits de la chimie représente une agression pour ces derniers. Une agression dont nous sommes tous victimes dans notre vie quotidienne, et que certain⋅e⋅s subissent de manière bien plus flagrante : les travailleurs⋅ses de la propreté.
Côté hygiène, il me semble bien que nous avons troqué les savoirs et savoir-faire de nos ancêtres pour de la chimie plus “efficace” mais dont l’efficacité n’a de cesse de nous revenir comme un boomerang. Aujourd’hui, à trop vouloir nous protéger de tout, nous nous détruisons à petit feu.
Il va sans dire que vous ne trouverez ni Canard WC, ni Destop Canalisations, ni bouteille de gel douche, ni Ariel Pods 3 en 1 chez nous. Nous nous sommes réapproprié la connaissance et faisons nous-mêmes nos produits ménagers et d’hygiène. Ils sont le plus basique possible, et les plus simples à réaliser. Nous avons aussi réduit l’agression quotidienne de notre peau en nous douchant majoritairement à l’eau claire. Et nous ne mettons en machine que les vêtements qui ont réellement besoin d’être lavés.
Le progrès en vestimentaire
Peut-on vraiment parler de progrès ? Je dirais plutôt “évolution”. L’évolution dans la mode a créé des collections. D’abord 2 par an, puis 4, puis… un nombre incalculable et insaisissable (c’est d’ailleurs bien le but, vu que l’idée est de générer le sentiment de rareté, pour vous pousser à l’achat parce que “on ne sait pas si la pièce sera toujours là le mois prochain !”).
Produire plus, vendre plus… il a bien fallu faire moins cher. Alors on a fait moins bien. Dans la fast-fashion, un tee-shirt ne tient plus 10 lavages.
Adieu la fast-fashion évidemment à la maison, et bonjour aux intemporels, au made-in-France ou Europe, aux pièces d’occasion qui n’ont pas pris une ride, aux marques qui ont l’amour du bon et beau produit. De qualité. Et comme pour l’électroménager : réparables ! Que ce soit par vous-même (coucou ma belle machine à coudre) ou par le fabricant (qui aura tout intérêt à produire de la qualité s’il offre les réparations).
Le progrès en cuisine
En cuisine, progrès a rimé avec gain de temps. Plus besoin de passer des heures derrière les fourneaux, on fait tout pour vous ! Du plat préparé aux fruits déjà épluchés en passant par les œufs déjà écalés (hop, ça c’est pour le nouveau mot du jour !).
Et pour que tout cela marche, il a fallu faire des “progrès” en conservation… et bien sûr des économies. Ces deux éléments menant à des choix… que j’imagine, nous ne sommes pas les seuls à condamner !
Alors plutôt que de passer des heures à lire les étiquettes au risque de n’en trouver aucune qui nous convienne, plutôt que de passer d’autres heures encore à trier l’infinie quantité d’emballages dans lesquels ces produits sont fournis, on passe ces mêmes heures dans notre cuisine. Retour en arrière ? Ménagère comme dans les années 50 ? Je ne crois pas : les produits sont bien plus accessibles, les recettes bien mieux partagées, les outils et techniques de conservation mieux maîtrisées et… nous avons de superbes robots pour nous accompagner dans nos recettes ! Et au pire, on fait des pâtes…
Le progès en transport
Oh la, vaste sujet… Les 30 Glorieuses ont marqué l’avènement du véhicule individuel, du transport aérien pas cher, et de la liberté personnelle de se déplacer de A à B. La possession d’une voiture, et le modèle de cette dernière, a très longtemps été le marqueur de ton appartenance à une classe sociale. Le fait de partir en weekend à Ibiza ou Stockholm également. C’est toujours le cas.
Côté véhicules, le progrès a été considérable… mais son utilisation, à mon sens, impardonnable. Depuis l’avènement de la voiture individuelle, les améliorations techniques n’ont servi ni la planète, ni les usagers, mais les constructeurs. Plus on a amélioré (réduit) les rendements et la solidité du moteur, de la carrosserie… plus on les a rendus lourds, puissants. Donc toujours plus consommateurs, toujours plus chers, toujours plus rapidement obsolètes… et toujours plus dangereux.
Sous le coup également de l’amélioration du confort, on a introduit dans le véhicule une électronique de plus en plus complexe, qui vous force à passer au garage pour le moindre souci. N’espérez pas réparer votre Audi Q7 tout seul ! C’était un jeu d’enfant sur votre Citroën deux-chevaux…
Côté usages, le tout-voiture a détruit nos centre-villes, les paysages urbains tout autant que ruraux, en plus de l’air que l’on respire. J’hallucine à chaque occasion quand je croise un énième “café de la gare”, d’une gare qui n’est plus… dire qu’à une époque, chacun de nos villages était relié par le train.
Côté voyages, je ne vous ferai pas un topo sur les effets dévastateurs du transport aérien et du tourisme de masse.
Nous vivons en ville alors c’est certes plus simple, mais chez nous c’est vélo tous les jours, par tous les temps et pour tous les trajets (d’ailleurs le saviez-vous ? Une étude récente montre qu’en moyenne un trajet sur 20 se fait sous la pluie, alors si c’était votre excuse, la voici qui vole en fumée !). Et côté voyages, modulo deux événements familiaux qui nous amèneront à prendre l’avion dans les 2 ans qui viennent, c’est le train qui primera pour les moyennes distances (je vous écris d’ailleurs aujourd’hui du Finistère nord où nous sommes venus en train depuis Lyon :)).
Nous avions acheté une voiture il y a deux ans. Je voulais me sentir plus libre de partir en weekend (aïe). Le fait est que nous la vivons aujourd’hui comme une contrainte monstre, et réfléchissons à nous en séparer… avis aux amateurs de Touran !
Le rêve d’un progrès ré-orienté
Je ne peux que vous inviter à lire cet article Wikipedia sur le progrès, assez parlant. Nous en retiendrons qu’il n’en existe pas une définition, et que chacun y projette sa propre vision de l’amélioration de son confort ou de son existence. « Jamais sans doute dans l’histoire […] le thème du progrès n’a à ce point interrogé l’humanité dans son ensemble et l’humanité propre à chaque individu. » dit Etienne Klein, et je ne peux que le rejoindre. Le fait est que c’est sur l’autel de cette notion que nous continuons de vendre toujours plus de produits, toujours plus de neuf. C’est au nom de cette idée que nous détruisons à petit feu la planète.
Alors moi, je rêve d’un autre progrès. Imaginez mettre toutes les évolutions technologiques, les meilleurs cerveaux et les meilleurs penseurs, au service d’une société durable ? Imaginez ce que cela pourrait donner sur le secteur de l’agroalimentaire, de l’électroménager, des transports… Imaginez mettre les meilleurs techniciens au service des low-techs ! Pour ce progrès-là, je signe de suite.
En attendant, Internet a bien répondu à l’un des rêves de ses premiers fondateurs : rendre l’information accessible à tous. De Touran Passion aux annuaires de recettes, des reportages divers et variés aux tutoriels et aux MOOCs, renseignez-vous, ressourcez-vous, émancipez-vous !
Pour poursuivre la lecture, je vous invite à lire cet excellent article sur les technologies et la durabilité.