Ressourcez-vous !

Julie Pouliquen
8 min readMar 7, 2019

Dans la vie, j’ai tendance à croire que le jeu* est de maintenir à flot l’équation suivante :

Revenus + Ressources ⩾ Besoins + Envies

*Je parle évidemment du jeu financier, ou de ce que l’on peut traduire en financier (une économie, ou une non-dépense, c’est du financier). Parce que sinon je dirais que le jeu de la vie, c’est d’apprendre à se connaître ;).

Généralement, lorsque l’on vous demande “Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?”, on vous questionne sur la façon dont vous gérez une seule des quatre variables de l’équation : la variable Revenus. Comme si elle-seule importait.

On vous incite également à croire que votre but, c’est de l’accroître, pour pouvoir augmenter également la partie droite de l’équation Besoins + Envies. Je ne vais pas ici vous rappeler à quel point il est nocif pour la planète (et également pour vous-même) de remplir l’objectif de satisfaire toujours plus de besoins et d’envies, vous le savez déjà (décroissance, minimalisme… quand vous nous tenez !).

J’ai envie d’accorder de l’importance à la partie la plus négligée de l’équation dans le discours populaire : les Ressources. Augmenter ses ressources, c’est mathématiquement accorder moins d’importance à la partie Revenus. Et ça, ça fait plaisir.

Ressources

C’est définitivement sur cette variable de l’équation que nous avons le plus travaillé à la maison ces dernières années. Je dis “nous” car dans un foyer, les ressources sont généralement mises en commun, et les nôtres sont assez bien réparties. Voici la liste de ressources sur lesquelles nous pouvons compter.

Le zéro déchet

Ce n’est pas la première fois que j’en parle, donc cela ne vous étonnera pas. J’aimerais vous expliquer ici en quoi notre approche Zéro Déchet constitue une Ressource en tant que telle.

Tout d’abord, cette pratique vous force à acquérir de nouvelles compétences culinaires. Parce qu’en mode Zéro Déchet, il y a plusieurs choses que vous ne trouverez pas. Entre autres, parmi ce que j’achetais auparavant : la pâte brisée, les yaourts… Evidemment, vous ne trouverez pas non plus de plat préparé ou d’aliment transformé (ce qui est aussi très bon pour vous, parce que les aliments transformés…).

Le Zéro Déchet vous fait aussi devenir apprenti chimiste :). Dans votre salle de bains et sous votre évier, il ne restera plus que des jolis flacons étiquetés par vos soins, à base de bicarbonate, percarbonate et carbonate de soude, vinaigre blanc, argile, savon de Marseille, j’en passe et des meilleurs (tous trouvables en vrac, à Lyon). Qu’il s’agisse de nettoyer votre peau ou vos cheveux comme votre sol et votre évier, vous gérez. Et surtout, vous comprenez la constitution des produits et la maîtrisez.

Réduire ses déchets, c’est donc gagner en compétences, et réduire ses dépenses.

La réparation

Ça, c’est le domaine de mon conjoint. Presque une activité secondaire, à ce stade ! Nous disposons à la maison d’une boîte à outils sacrément fournie, d’un fer à souder, d’une station à air chaud, d’un microscope binoculaire, d’un multimètre… et de plein de choses que j’ai dû oublier.

La réparation, c’est une ressource incroyable, pour deux raisons principales :

  • Nous ne jetons quasi rien, et réparons tout nous-mêmes (enfin, lui-même quoi, mais j’espère être un bon support psychologique). Dernière réparation majeure en date : celle du système de fermeture centralisée sur la porte arrière droite de la voiture (démontage intégral de la porte, apport de la pièce défectueuse à la maison, lubrification, remontage du tout). Bilan : 300€ d’économisés (le devis du garage).
Portière en cours de réparation
  • La seconde est que nous achetons à présent de l’électronique et de l’électroménager de seconde main et… cassé ! Un coup de réparation plus tard, nous voici avec notre nouvel objet, un truc trop cool qui nous a coûté quelques kopeks et quelques heures de travail. Ainsi de notre four encastrable, un superbe Sauter acheté 50€ non fonctionnel, et réparé en quelques heures avec 12€ de pièces détachées. Valeur neuve ~500€, valeur d’occasion ~250€.

Récemment, la machine à laver de mon beau-frère est tombée en panne. “Dix ans, ma foi elle a déjà bien tenu”, se dit-il. Il regarde le prix des machines neuves… Mais inspiré par notre démarche (c’est ce qu’il me plaît à penser), le voici qui fouille également sur les forums pour comprendre d’où vient le souci. En fait, ce dernier est bien documenté, et il y a fort à parier que cela vienne des charbons du moteur (durée de vie : 10 ans / prix : de 2 à 8€). Ni une, ni deux, les voici changés, la machine remontée et… fonctionnelle, bien entendu !

Dans cette démarche, il s’agit bien entendu de privilégier les beaux objets, fabriqués pour être durables. N’essayez pas de réparer une imprimante à 49€ neuve, c’est peine perdue ;). La majorité de notre électroménager est donc made in Europe, et souvent vieux de 10 ans, voire plus. Dans ta face l’obsolescence programmée…

Le DIY (Do It Yourself — Fais Toi-Même)

Il y a pas mal de choses à la maison que l’on peut faire soi-même plutôt que de faire appel à un professionnel. Dans la catégorie DIY, je mettrais déco, vêtements et accessoires divers, ainsi qu’un peu d’herboristerie.

Le plus gros pas dans ce domaine, clairement, aura été l’acquisition d’une machine à coudre il y a 2 ans. Mon conjoint savait déjà manier la bête. Il m’a initiée, et nous voici à présent deux fiers couturiers du soir et weekend.

  • Dernières réalisations : langes maison, pochette à savon, housse à langer, turbulette, bavoirs (tiens, il se préparerait peut-être quelque chose :D)… ainsi qu’une bonne partie des cadeaux de Noël !
  • Dernières réparations : jeans, veste de sport, sac à vrac et torchons qui se décousaient.

Le bricolage

Poser une applique, réaliser un placard, réparer le parquet, poser un joint… autant de choses qu’il est bien utile et pas si difficile d’apprendre à faire soi-même dans la vie.

Le farfouillage

La plus grande ressource à acquérir est la patience et la débrouillardise. Chacune des ressources citées plus haut en dépend : des heures de recherches Internet, des jours d’attente sur leboncoin, de comparaisons sur Vinted, l’inscription à des forums d’entraide, le visionnage de dizaines de tutoriels. Cela ne doit pas vous faire peur, ni l’idée de demander de l’aide !

Néanmoins, en contrepartie, pensez au temps gagné en poussage de caddie dans les hypermarchés, en files d’attente à la caisse des grands magasins, en voiture pour se rendre ou revenir du centre commercial…

Les groupes d’entraide

Ils sont nombreux, et dans tous les domaines ! Au diable les aigris qui pensent que l’entraide a disparu, elle est partout. Où mon conjoint a t-il trouvé de l’aide pour réparer la portière arrière de la voiture ? Sur touranpassion.com, pardi (il va sans dire que nous avons un Touran).

Si un domaine vous attire en particulier, alors n’hésitez pas à chercher un peu pour trouver le groupe ou forum spécialisé, l’association locale dédiée, ou le bon pote qui s’y connait déjà, pour vous accompagner dans votre démarche.

De notre côté, nous comptons beaucoup (et contribuons également), notamment, sur :

De manière plus générale, n’ayez jamais peur de demander de l’aide à votre communauté, que ce soit votre cercle d’amis, votre environnement de travail, vos voisins, l’association des anciens de votre école… Vous serez surpris de voir à quel point les gens ont l’entraide facile (pour peu que l’on sache demander).

De nouvelles ressources ?

Aujourd’hui, nous vivons en ville, en appartement et sans même un bout de balcon. Il y a donc des ressources sur lesquelles nous ne pouvons actuellement compter mais sur lesquelles j’ai bien pour idée de me pencher un jour.

Le potager

… et en permaculture, s’il vous plaît ! Aujourd’hui, je ne regarde pas trop encore les tutos et formations sur le sujet, j’ai peur d’être frustrée :). Mais un jour il y aura jardin, et ce jour-là il y aura des fruits et légumes, vous pouvez en être sûr.e ! Et des poules, c’est une évidence. Une chèvre ? J’hésite encore sur la chèvre…

En attendant, on s’en tient aux semis de basilic, coriandre et autres aromates. C’est déjà pas mal.

Un vrai atelier

Ça c’est plus le rêve de mon conjoint : un vrai coin de garage (ou un garage complet ?) avec de chouettes outils (mutualisables, cela va de soi) pour réaliser ou réparer du mobilier, du plus gros électroménager, bref plus de choses et des choses plus grosses !

Un habitat éco-pensé

Avec un système de récupération d’eau de pluie, de la production d’électricité : autant de choses à comprendre et à bâtir. C‘est presque un acquis aujourd’hui que d’ouvrir son robinet et avoir de l’eau, que d’appuyer sur la prise et éclairer ainsi la pièce, que de sortir ses poubelles et les voir disparaître. Mais il y a derrière chacune de ces actions des coûts, économiques et écologiques, non négligeables. Les comprendre, c’est nécessairement vouloir les réduire.

Pour revenir à notre équation…

Ces derniers mois, nous avons diminué nos revenus, augmenté nos ressources, diminué nos envies, pas trop touché à nos besoins. Diminué nos revenus ? Eh oui, si ce n’était pas une conséquence des autres faits, c’est venu de manière concomittante, et devinez quoi ? C’est passé comme une lettre à la poste.

Ceci aussi grâce au fait que l’économie réalisée par la mise à profit d’une ressource dépasse financièrement le revenu qu’il aurait été nécessaire d’avoir pour l’obtenir en la payant. Je m’explique : si vous devez payer une réparation à 100€, au final vous devez d’abord générer un revenu de (100 + x)€, les x correspondant à la partie d’impôt que vous payez sur votre revenu. Si en plus vous n’êtes pas salarié, mais indépendant, pour pouvoir vous payer ces (100 + x)€, vous avez probablement dû générer un chiffre d’affaires compris entre 1,3 *(100 + x) et 2*(100 + x). En bref, l’économie que vous réalisez en réparant vous-même est bien supérieure au coût affiché de ladite réparation. J’espère que ce passage ne vous a pas perdu.e…

C’est pourquoi j’ai envie de vous proposer : et si nous faisions de la partie Revenus la partie la plus variable de l’équation ? Stop aux burn-outs, stop aux bore-outs, stop aux bullshit jobs, stop à cette sacro-sainte recherche du plein emploi… stop à l’absolue nécessité de l’emploi à temps plein, permettant de générer un revenu pour payer quelqu’un d’autre, lui aussi à temps plein, qui produira, réparera, préparera ce que nous aurions pu faire si seulement… nous n’avions pas été à temps plein ?

Et si l’équilibre ultime, celui qui conviendrait aux uns sans desservir celui des autres, n’était pas la combinaison d’un revenu minimum garanti, d’un emploi de coeur et de quelques ressources bien mises à profit ? À part le grand capital, qui s’en porterait mal ?

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Julie Pouliquen

Travaille à son émancipation personnelle, tente de contribuer à l’émancipation de chacun⋅e. #ethique #zerodechet #minimalisme #CIGALES Steven #work @La_Cordee