Juste accro aux tutos
J’ai réalisé tout récemment que jusqu’à une époque pas si lointaine, j’étais très réfractaire à l’apprentissage. J’ai mis du temps à le déceler car, comme vous probablement, ce n’est pas le genre de diagnostic que l’on pose aisément sur quelqu’un qui a eu un parcours de tête de classe. Et pourtant… Si la compréhension des logiques, qu’elles soient mathématiques, physiques ou grammaticales, ne représentait aucun effort pour moi, le travail par contre lié à la maîtrise d’une technique, ou du geste parfait, à la répétition d’un mouvement jusqu’à ce qu’il devienne naturel… m’a toujours paru un obstacle rhédibitoire à certains apprentissages.
Ainsi dans les sports que j’ai pratiqués, j’ai souvent compensé le manque de technique par la force physique (tennis), et je n’ai jamais nourri d’ambitions démesurées pour les instruments dont j’ai joué (piano, saxophone). Si ce n’est une chose : à une époque, j’ai souhaité apprendre à improviser (j’adorais le jazz), mais quand j’ai compris qu’il me faudrait apprendre et pratiquer des gammes, j’ai abandonné rapidement (avec une certaine honte et en nourrissant de profonds regrets). Je pense que ce manque de rigueur technique a nourri la très rapide dégringolade de niveau que j’ai connue dans chacune de ces pratiques dès l’arrêt des cours hebdomadaires (à la terminale, comme pour beaucoup de monde j’imagine).
La découverte des tutoriels
Dans la vie de tous les jours, au grand dam de mon conjoint, j’ai toujours abordé toutes les activités avec cette même idée de passer tout de suite à la pratique. L’action d’abord, avec les moyens du bord. On verra plus tard si ça ne marche pas. Que ce soit en cuisine, en bricolage, en réparation, en couture : quitte à galérer, quitte à mal faire, quitte à devoir défaire… on fait, puis on pense ! À défaut, on panse…
Pour mon mec, les choses sont très différentes : quand on fait, on fait bien. Dès le début. Passionné de réparation (il en a d’ailleurs fait son métier), il se renseigne abondamment avant chaque mise en action, parcourt les tutoriels, se renseigne sur les écueils potentiels… “Read the f***ing manual!” (Lis la p**ain de notice !) est sa phrase préférée. Aux débuts de notre relation, je jetais une fois sur deux le fameux “f***ing manual” avant d’en avoir besoin (heureusement, Internet est venu plusieurs fois à mon secours pour retrouver le PDF…).
C’est à son contact ainsi qu’avec ma transition personnelle vers un mode de vie plus conscient et proche de mes valeurs, impliquant une quantité toujours croissante de savoir-faire différents dans notre quotidien, qu’est venu le plaisir de l’apprentissage. Une vie, également, où je ne cherche pas à optimiser la moindre minute et où je privilégie le long terme à l’efficacité court-terme. Dorénavant, je kiffe les tutos !
Les premiers pas : la couture
Les premiers tutoriels que j’ai vraiment suivis étaient des tutos couture. Marre du découd-vite et des finitions bof bof ! Les tutos vidéos ou photos m’ont successivement appris à dédramatiser les techniques qui me faisaient peur : pose de biais, de fermetures-éclair (20 ans de couture, ma mère me dit encore qu’elle a peur de poser une fermeture-éclair : le traumatisme doit venir de là)… Petit à petit, l’appréhension laisse place à la maîtrise, les tutos sont de moins en moins nécessaires, et on se prend même à réfléchir à produire les siens !
En cuisine : l’effet Top Chef
Cela faisait déjà quelques mois que je me disais que j’aimerais bien apprendre quelques techniques de cuisine, et notamment : les découpes. Eh oui, depuis 5 bonnes années que nous n’achetons quasiment rien comme produits transformés (on ne fait pas notre beurre ni notre saucisson), nous passons vraiment beaucoup de temps à découper des légumes. Vous aussi ? Les découpes paraissent anodines, mais elles sont comme la petite côte sur un trajet vélo : le truc qui te fait traîner les pieds, et qui, les mauvais jours, peut t’amener à lancer une casserole d’eau sur le feu pour faire des pâtes.
Mais je n’avais jamais franchi le pas du tuto découpe. “Ça va, je sais utiliser un couteau, hein !”… Et puis, il y a eu Top Chef 2020 (oui, on a découvert l’émission pour sa onzième édition). Chaque semaine, les voilà qui découpaient leurs carottes en moins de 7 secondes… Et là je me suis dit : “Clairement, meuf, tu ne sais pas utiliser un couteau. Déjà, tu n’utilises pas le bon.”
Depuis, plus rien ne m’arrête : tutos découpes de carottes, poireaux, pommes de terre… youhou les légumes d’été ! Tuto aiguisage de couteau, évidemment. Tuto levage de filets de poissons. Chaque repas est une nouvelle occasion de pratiquer. Je ne me chronomètre pas, mais c’est certain : je m’améliore !
Et puis tout devient possible
Watch the f***ing tutorial! (Regarde le p**ain de tutoriel !). Échantillon des derniers tutoriels ou MOOC visionnés et mis en pratique :
- Poser une guidoline comme un pro
- Fabriquer une sacoche de cadre
- Montage de mon vélo (plusieurs tutoriels ont été nécessaires pour cette action)
- Rapiécer avec du thermocollant
- Plier des draps en mode Marie Kondo (ne me jugez pas)
- Savoir cuire des haricots verts
- Éplucher la rhubarbe
D’ailleurs, ça me fait penser : saviez-vous qu’en fait, vous ne saviez pas nouer vos lacets ?
Et pour la suite ?
- Prendre les mesures d’une personne
- Coiffer les cheveux d’Alice (!)
- Changer une bonde d’évier
- Maîtriser l’intégralité du montage et de la réparation d’un vélo
- Souder
- Utiliser les principaux outils liés à la découpe et à l’assemblage du bois
- Construire une maison bioclimatique
- Traverser un océan à la voile
P.S. Il va sans dire que pour plusieurs de ces apprentissages, quelques tutos ne suffiront pas. À moi l’apprentissage, le vrai :).