L’achat éthique : méthode en 3 étapes

Julie Pouliquen
10 min readOct 12, 2021

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Lorsque l’on s’engage dans une démarche éthique de consommation, chaque achat est pesé, pensé, mûri. Il ne s’agit pas de se dire “Tiens, j’ai besoin d’un truc”, de filer dans le premier supermarché et de revenir avec la promo en cours. Réaliser un achat sans renier ses valeurs s’avère souvent à la fois plus chronophage et onéreux, mais c’est bien entendu compensé par :

  • la réduction du nombre de produits achetés : moins de quantité, plus de qualité
  • la durabilité du produit : un achat une fois pour toutes
  • la satisfaction liée à la possession d’un objet de qualité et de valeur : “Eh, t’as vu mon mixeur-plongeant comme il est trop ouf ?”
  • la satisfaction de participer à un monde plus juste : l’achat en conscience

Au fil du temps, le⋅la consommateur⋅rice responsable affine sa pratique et sélectionne chaque nouvel objet sur le volet, selon les critères d’éthique qui sont les siens... en devenant presque snob. Et il⋅elle a bien raison ! Et si nous arrêtions la boulimie de consommation et devenions tous un peu plus snobs ?

Voici quelques billes pour s’orienter, pour ceux qui souhaitent affiner leur démarche d’achats durables. Et pour ceux qui, d’avance, se disent qu’ils ou elles n’ont pas le temps ou l’énergie pour tout cela, c’est pour vous que nous avons créé Le Guichet : on attend vos billets !

Étape 1 : La qualification du besoin

Cette étape est loin d’être la plus évidente. Le cerveau humain a tendance à foncer directement à la solution la plus rapide au problème ressenti. Or depuis des dizaines d’années, on nous vante la propriété individuelle et le réflexe consommation. Un besoin ? Un produit. Le cerveau a donc une tendance naturelle à faire des raccourcis, et à traduire “J’ai besoin de me déplacer” en “J’ai besoin d’une voiture”. Or l’implication ne va pas de soi : il y a plusieurs solutions à un problème de déplacement. La voiture individuelle en est une… parmi d’autres ;).

La qualification du besoin est pour moi une étape à trois sous-parties.

Répondre à quel problème ?

Pour pouvoir bien répondre à un besoin, il s’agit de le qualifier précisément. Si l’on reprend ce besoin de se déplacer : à quelle fréquence ? Seul ou à plusieurs ? Est-il nécessaire de transporter des charges ? Si oui, occasionnellement ou à chaque fois ? Pour combien de kilomètres ? Selon le besoin, un vélo électrique, qui peut être biporteur ou triporteur, une solution de location, de partage de véhicule pourraient faire l’affaire. Si l’achat d’un véhicule est vraiment nécessaire, la qualification du besoin aidera à spécifier s’il peut s’agir d’un véhicule électrique ou à essence, son volume, son autonomie…

Avec quels critères ?

Le fait de respecter votre éthique, vos valeurs, fait également partie du besoin. Ceci étant dit, que voulez-vous dire par “éthique” ? Cette notion peut recouvrir des réalités bien différentes selon les personnes. Que mettez-vous en premier : la condition sociale des employés au bout de la chaîne ou l’utilisation de matières premières biologiques / renouvelables ? La réparabilité ou le made-in-France ?

Certes, souvent, l’entreprise qui a une démarche éthique et fournit des produits de qualité a une approche holistique de la question (il s’intéresse à l’éthique dans sa globalité), et celle qui choisira le coton bio cherchera également à produire en France ou en Europe. Néanmoins, cela ne va pas toujours de soi.

… Et la question se complexifie lorsqu’il s’agit de décider à plusieurs ! Une amie me confiait récemment qu’avec son conjoint ils étaient en débat sur l’achat d’un lave-vaisselle. Pour elle, la consommation d’eau était un critère important, pour lui cela importait peu tant que l’appareil était de seconde main. Au final, plusieurs mois plus tard, ils n’avaient toujours pas de lave-vaisselle.

Contraint par quelle urgence ?

Enfin, avant de passer à la suite, il s’agit de définir une chose primordiale : le degré d’urgence pour la satisfaction du besoin. Je le disais en introduction, un achat éthique peut prendre plus de temps : pour réaliser un bon comparatif, trouver le fournisseur idéal, voire trouver l’objet de seconde main, se faire livrer. La solution ressemble rarement à du Amazon One-click. Quel délai êtes-vous capable d’attendre pour réaliser le bon achat ? Plus il sera court, plus vous risquez de devoir rogner sur les critères d’éthique définis ci-dessus (ou rallonger la note au niveau du portefeuille).

De notre côté, nous avons banni la notion d’urgence dans les achats. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas un toit au-dessus de notre tête, quelques habits pour nous vêtir et de la nourriture dans notre frigo. Nous ne manquons de rien. Nos achats participent généralement d’une amélioration de notre quotidien, d’un renouvellement de produits en fin de vie. Aucune urgence, juste de l’amélioration continue.

J’ai mis plus de 2 mois à acheter mon dernier jean’s. J’en avais deux encore qui me convenaient, mais la taille n’était plus parfaite (coucou la grossesse) et les couleurs de plus en plus passées. Je savais exactement lequel il me fallait, mais neuf il valait autour de 200€. J’ai mis une alerte sur Vinted et patienté… jusqu’à ce que ma petite pépite (marque, modèle, taille) apparaisse un jour à 45€ (neuf, avec étiquette) !

Étape 2 : La phase du comparatif

Les anglophones parleront de la phase de “benchmarking”

Une fois le besoin validé, il s’agit de trouver le meilleur produit, satisfaisant un maximum des critères spécifiés ci-dessus, répondant à l’urgence définie. L’information n’est pas tout le temps évidente à trouver : selon la typologie du produit, vous n’aurez peut-être pas beaucoup d’informations sur le lieu et les conditions de fabrication, la solidité, la réparabilité… il va falloir fouiner ! Cette étape se découpe la plupart du temps en 4 parties.

Recherche en ligne (ou auprès d’un spécialiste) des différents produits possibles

Disons que vous avez besoin de nouvelles chaussures. Le besoin est plutôt facile à valider, mais vous avez défini en amont que ça devait être des chaussures d’hiver, imperméables, vegan (donc on exclut le cuir), durables (solides, réparables) et faites en Europe.

C’est parti pour la recherche, parmi des centaines de marques de chaussures ! A priori, pour cette recherche, vos meilleurs alliés seront des blogs de consommation éthique, vous commencerez donc par là. Rapidement, quelques marques ressortiront, pour lesquelles vous fouillerez dans le catalogue pour trouver les modèles qui vous plaisent.

Recherche en ligne sur la satisfaction des critères éthiques des produits concernés

Vous serez attentif⋅ve également à la démarche des entreprises concernées, et lirez leurs pages “à propos”, “nos valeurs” ou “manifeste” pour voir si vous vous y retrouvez. Les plus pointilleux d’entre vous pousseront jusqu’à faire une recherche parmi les articles de journaux sur les marques étudiées : valorise t-on leur démarche, ou au contraire les a t-on déjà épinglées pour des “affaires” ? Le risque est moindre quand on se dirige vers un petit créateur que vers H&M, vous imaginez bien…

Fouille sur les forums pour avoir une meilleure appréciation de la qualité

À ce stade, vous tenez probablement une petite “liste courte” (bon, ok, shortlist) de quelques marques et modèles qui pourraient convenir. Quelques dernières recherches vous aideront probablement à savoir si la qualité est au rendez-vous, vous serez alors très attentif⋅ve aux retours des consommateur⋅rice⋅s. Le Saint-Graal pour vos chaussures, c’est de trouver à lire : “Je les ai achetées il y a 5 ans, je les porte très régulièrement et elles sont toujours nickel !”

Si possible, test du produit

(chez quelqu’un qui l’aurait déjà acheté, ou dans un magasin)

C’est toujours l’idéal, mais pas toujours possible. S’il s’agit d’un vêtement ou d’une chaussure, cela vous permettra de vérifier la taille, la pointure ou la coupe. S’il s’agit d’un produit ménager, vous voudrez peut-être vérifier le bruit, le confort…

Nous avons passé du temps à étudier le marché pour acheter notre ventilateur de plafond. Nous avons découvert qu’il y avait dans le Monde des “zones ventilateurs” et des “zones climatiseurs”. En France, nous sommes dans une zone climatiseur, et l’offre de ventilateurs est très, très faible, et donc de piètre qualité. En Asie ou en Afrique, c’est l’inverse. Ainsi, Panasonic France ne propose pas un seul ventilateur (recherche ventilateur sur le site français), alors que Panasonic Vietnam en a une dizaine de modèles (recherche sur le site vietnamien). Mais évidemment, impossible d’acheter sur Panasonic Vietnam en habitant en France… Les États-Unis sont un peu entre les deux zones, ayant une longue tradition de ventilateurs de plafond derrière eux, et il est plus facile de retrouver leurs produits en France. Le nôtre est donc américain ! Évidemment, pas possible de le voir en action avant de le recevoir et l’installer. Heureusement, les retours de consommateur⋅rice⋅s étaient bons et se sont avérés plutôt justes.

Étape 3 : La phase de l’achat

Généralement, quand on en arrive là, on se dit “c’est bon !”, mais l’achat d’un produit avec une démarche éthique peut nous amener dans des circuits de distribution qui sont loin d’être les plus accessibles, car il ne se trouvera sûrement pas au supermarché du coin, ni probablement sur Amazon (que de toute façon vous boycottez, non ?). Deux difficultés principales peuvent venir pimenter l’acte d’achat.

La contrainte de la livraison

Nous privilégions toujours l’achat en magasin quand nous le pouvons, ce qui est le cas pour 95% de nos achats. Mais encore faut-il trouver le magasin ! Lequel vend cette marque de gourde ? de jean’s ? de poêles et de casseroles ? Pour cette phase, c’est souvent le bouche-à-oreille qui fonctionnera. Et puis au fur et à mesure, votre connaissance des bonnes boutiques s’affinera et votre sens de consommateur⋅rice avisé saura où vous orienter. Dans le doute, n’hésitez pas à appeler avant de vous déplacer.

Pour les 5% restants, même l’achat en ligne peut se révéler complexe. Ainsi de notre fameux ventilateur de plafond, par exemple : il a fallu trouver le site (étranger) qui acceptait de livrer en France, avec un délai et des frais de livraison raisonnables.

Vous aimeriez trouver le produit de seconde main

Le produit éthique est souvent hors de portée de la plupart des bourses. Du moins, en apparence, car j’argumenterai que c’est un produit qui a vocation à durer, et que vous vous y retrouverez dans le temps. Certes, mais parfois le coût est réellement prohibitif pour votre petit portefeuille, et vous n’avez pas le fonds de roulement nécessaire pour un tel investissement (coucou les cours de compta).

Auquel cas, ce qui fait souvent en soi partie de la démarche éthique de l’achat, l’occasion est souvent la solution. Réduction de la pression sur l’utilisation des ressources au niveau mondial, allongement de la durée de vie d’un produit, nous sommes en plein dans le troisième des 5R de la démarche Zéro Déchet (Refuser, Réduire, Réutiliser, Rendre à la terre, Recycler). C’est au degré d’urgence que vous vous heurterez à ce moment-là, car la bonne occasion n’est peut-être pas (encore) en ligne, et il vous faudra être à l’affût, prêt à sauter sur l’occasion (que cette expression est bienvenue…).

Quand je repense aux mois d’alertes pour l’achat d’une poussette Yoyo d’occasion sur leboncoin… À Lyon, les annonces passaient moins d’une heure en ligne (chercher une poussette de ville dans une grande ville…), je n’ai jamais réussi à être la première. Pour certains articles très recherchés, c’est la guerre ! Enfin, la guéguerre. Pour s’en sortir, on a étendu la recherche aux lieux de vacances et d’habitations des grands-parents, et c’est là qu’on l’a trouvée, notre chouette Yoyo rouge qui nous a été rapportée par la mamie en première visite à sa petite fille :).

Il est l’heure d’apprendre à manier les alertes, sur leboncoin et Vinted, mes deux sites d’occasions préférés (j’ai du mal à me faire à eBay, et clairement Facebook et sa marketplace sont hors jeu…). De mon côté, j’ai en permanence une bonne douzaine d’alertes en cours sur ces deux plateformes.

Après étude de marché et test de plusieurs solutions de robot-mixeur, nous souhaitions revenir à quelque chose de plus basique : le mixeur-plongeant. Mais attention, pas n’importe quel mixeur-plongeant, le mixeur-plongeant de compétition ! Fait en Suisse, incassable, mixant tout et n’importe quoi, relativement silencieux, montant des blancs d’œufs en neige et les jaunes en mayonnaise, j’ai nommé : le Bamix. Prix neuf : 200€. Il a été trouvé au bout de quelques semaines sur le site en ligne d’Emmaüs, pour 120€ ! Ce qui reste cher pour un mixeur-plongeant, j’entends, mais vous l’aurez compris, on est ici hors catégorie, et il est garanti à vie.

Moins mais mieux, toujours

Le temps de l’hyperconsommation doit toucher à sa fin, et nous en sommes tous conscients. J’espère que cet article ne vous aura pas fait peur ! Avoir une démarche éthique pour ses achats est certes un effort, mais qui est Ô combien récompensé par la satisfaction finale (je vous ai parlé de notre mixeur-plongeant ?) ! Ce n’est pas non plus quelque chose que vous ferez tous les jours.

Aussi, de plus en plus de sites (comme Produits durables pour l’électronique et l’électroménager, ou WeDressFair pour les habits), groupes / forums, blogueurs, partagent leurs expériences d’achat et vous permettent de gagner beaucoup de temps, notamment sur les phases 2 et 3.

Sans compter que vous avez sûrement autour de vous quelqu’un qui, comme moi, trouve à cette démarche et à ces recherches un réel plaisir, et à qui il ne faut surtout pas hésiter à demander “Tu l’as trouvé où, ton mixeur-plongeant ?”. Par contre, attention, de vous à moi… Ces gens-là sont intarissables sur leurs trouvailles ; prévoyez un thé, une bière, et installez-vous confortablement !

Sinon, encore une fois, il y a Le Guichet. Dis, tu viens poster ton premier billet ?

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Julie Pouliquen
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Written by Julie Pouliquen

Travaille à son émancipation personnelle, tente de contribuer à l’émancipation de chacun⋅e. #ethique #zerodechet #minimalisme #CIGALES Steven #work @La_Cordee

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